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n 2010, première année de navigation hauturière, j’ai quitté Bayona pour San Miguel, la plus grande île des Açores. J’ai frôlé d’un peu trop près l’anticyclone et me suis retrouvé sans vent, obligé de mettre le moteur pour aller le chercher.
J’ai eu la chance en arrivant à Bayona de rencontrer un marin qui avait énormément navigué en solitaire. Il m’a expliqué comment il gérait ses navigations et surtout son sommeil en fonction des routes. Sur une route de cargos, on dort par tranche de 20 mn, hors route de cargos, par tranche de 1h30 mn. La navigation de Bayona à San Miguel se faisant hors route de cargos, je dormais par tranche de 1h30 mn. La méthode pour respecter à la lettre ce temps de sommeil est très simple. Il faut dormir assis, le tronc incliné à 30 degrés en arrière, et coincé de chaque côté, encastré entre la table du carré et la banquette, par exemple, de façon à ne pas pouvoir se retourner. Dès qu’on arrive dans le sommeil léger, comme on ne peut pas se retourner, on se réveille. C’est imparable ! Il m’a également conseillé de faire un tour d’enrouleur au génois la nuit pour que le guindant se retrouve coincée dans l’étai creux par la voile. Si un coup de vent arrive, le guindant ne risque plus de sortir de l’étai, ce qui est arrivé à beaucoup de navigateurs ! Si en plus cela arrive pendant le sommeil, on se retrouve vite dans une situation dangereuse et difficile à gérer en pleine nuit !
J’avoue ne pas avoir pensé à appliquer ce conseil au début de ma croisière. Mal m’en a pris ! J’étais à l’intérieur lorsque j’ai entendu une explosion. La manille de point d’amure du génois devait avoir une paille, elle a explosé ! Le temps de sortir sur le pont, 50 cm de guindant était déjà sorti de l’étai creux. J’ai aussitôt fait faire 3 ou 4 tour à l’enrouleur en attendant le jour pour remettre tout en place. Depuis, je pense toujours à faire un tour à l’enrouleur dès que la nuit tombe !
Cette première expérience a été très positive. Non seulement je me sentais bien au bout de 3 jours, mais j’avais de plus en plus envie de continuer. Plus les jours passaient plus j’appréciais ma croisière. Au bout des 6 jours, j’aurais volontiers continué !